écrits
par Joël Lécussan, concepteur du projet (2011)
Depuis 4 ans, Mix’Art Myrys propose sur le territoire de la Communauté Urbaine du Grand Toulouse ses Rencontres Fortuites, une tentative d’appréhender autrement la relation artistes-œuvre-population-territoire. Cette année, Mix’Art Myrys s’est approprié la question du bonheur entre illusion, rêve ou réalité. Ce projet artistique, associant étroitement des habitants autour de témoignages, de ce que certains nomment désormais les écritures du réel, s’est développé sur les villes de Blagnac, Fenouillet, et viendra investir la ville de Ramonville en amont et pendant le festival. Il donne lieu alors à une installation plastique, à la projection d’un film, du débat, des rencontres, du temps enfin à prendre, à reprendre.
par Loran Chourrau, réalisateur
Aller sur le terrain, parler du bonheur avec les gens n’est pas quelque chose d’anodin. C’est même plutôt bouleversant. En basant une rencontre sur le thème universel et vaste du bonheur on part forcément du bon pied. Les discussions, car il s’agit plus de discussions que d’interviews, s’engouffrent à toute vitesse dans l’intime, le bonheur est étroitement lié au réel. De nos jours le bonheur ne se verbalise pas dans des rêves fous, absolus mais à travers des petites choses, du concret et des valeurs humanistes (solidarité, partage, écoute). Être heureux n’est pas un concept, c’est une état très concret, une lutte.
Ici l’art n’est pas dans l’esbroufe, il se doit d’intégrer avant tout la réalité, de rester au premier degré. Il doit valoriser, mettre en relief. L’art est dans la rencontre, l’envie de s’oublier, de se poser et réfléchir, d’affirmer, de s’affirmer.
Au montage des images, à moi de ne pas dénaturer ou trop sublimer une parole. A moi de choisir librement ce qui m’intéresse dans les heures d’interviews recueillies, de donner un ton, de faire coïncider ou se confronter des opinions. Car si au départ ces rencontres sont fortuites, au final l’aléatoire n’a plus droit de citer.
La restitution se fait avec l’installation envahissante des silhouettes heureuses et figées de Sofi Cardin. Les spectateurs, acteurs, se retrouvent ensemble pour se découvrir et découvrir leurs mots dans une ambiance à la fois froide (installation plastique) et chaleureuse (repas, apéro..). La surprise, l’étonnement sont alors au rendez-vous. Et au final l’humain l’emporte, l’émotion est présente..
L’enjeu est donc là : remettre l’humain au centre de tout.
par Sofi Cardin, plasticienne scénographe
L’intention avec cette installation c’est d’occuper des espaces publics pour interpeller les passants.
Ces personnages qui constituent les ‘silhouettes’ sont issus des banques de données d’architectes pour des grands projets d’urbanisme dont l’esthétique renvoie à quelque chose de presque trop propre, comme utopique.
Il y a deux temps dans mon travail : je prends d’abord en photo différents points de vue du site afin d’imaginer la contextualisation des figures et de continuer à faire écho aux images plates des cabinets d’architectes inscrites dans de vastes perspectives. Ainsi je décontextualise ce que l’on veut nous « vendre » comme du bonheur, d’autant qu’au moment de la prise des clichés j’analyse le mouvement des gens dans leurs espaces de vie publics.
Il se crée un trouble. Les silhouettes peuvent donner l’impression d’être des passants ordinaires et cela provoque pas mal de réactions. En ce sens les gens ont tendance à se les approprier, et par là elles prennent leur caractère propre et une dimension vivante.
D’ailleurs, dans une installation précédente à Blagnac, des jeunes s’en sont pris à elles, peut être pour exprimer une certaine forme de détresse… En revanche, à Fenouillet, l’installation a été bien accueillie. Mais pour moi cela fonctionne à partir du moment où il y a une réaction, quelle qu’elle soit.