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par Jean-Manuel ESCARNOT, Libé toulouse

“Les nouvelles écritures du réel”: sous cette appellation, des créateurs issus du théâtre, de la danse, de l’image, de la vidéo et du cinéma fouillent la vie de tous les jours à l’affut de gestes, paroles, coups de gueules et autres dérapages quotidiens pour en faire émerger les histoires et les émotions qui nous gouvernent. Amour, tristesse, désirs, regard sur soi, effets miroirs, mémoires, errances…
Au petit bonheur la chance, ces ethno-artistes mettent en scène leur immersion in situ dans les jungles humaines  que sont les quartiers populaires, hautes sphères, favelas tropicales, villes et campagnes. D’où ils extraient comme une chasse au trésor une hypothétique essence de l’art.

Restitués sous formes d’installations, de pièces, de films, d’ateliers et autres performances, les résultats de ces explorations dans lesquels la part de réel se mêle à la fiction, réservent parfois de belles surprises. Comme ces « Rencontres fortuites” proposées jusqu’en octobre 2011 par Joël Lecussan, directeur artisitique et Mix arts Myrys dans le cadre du Festival de Rue de Ramonville.

Après une première installation à Fenouillet sur le thème de l’illusion, Sophie Cardin, scénographe plasticienne dispersera à nouveau ses silhouettes grandeur nature de passants ordinaires tirés de la panoplie des urbanistes dans les rues de Ramonville les 10 et 11 septembre prochain. A son côté, le vidéaste Loran Chourrau enregistrera les réactions et témoignages des habitants.

L’art au coin de la cité, les nouveaux voisins, l’illusion du bonheur.

 

INTERVIEW

Libe Toulouse : Quelles sont vos intentions avec cette installation ?
Sophie Cardin : L’idée c’est d’occuper des espaces désertiques publics pour interpeller les passants. De voir à quoi les renvoie cette présence de personnages presque trop propres et heureux.
Avant d’installer mes figures, je travaille sur plusieurs points de vue. J’essaye de comprendre le mouvement des gens dans ces espaces publics. D’où l’importance de l’observation.

Libe Toulouse : Comment les habitants réagissent  à la vue des silhouettes ?
Sophie Cardin : Il se crée un trouble. Elles donnent l’impression d’être des passants ordinaires : il y a forcément un aspect vivant dans le sens où les gens se les approprient. Ces silhouettes mortes deviennent alors des silhouettes vivantes. Selon les endroits où elles sont installées elles peuvent devenir des punching-ball comme lors d’une installation précédente à Blagnac où des jeunes s’en sont pris à elles peut-être en réaction à ces images trop lisses, trop heureuses. Ce n’a pas été le cas à Fenouillet où cette installation a certes fait débat mais a été bien accueillie. Ce dispositif fonctionne à partir du moment où il y a une réaction bonne ou mauvaise et où l’on en fait quelque chose.

Libe Toulouse :Comment-vous immergez-vous au sein de la population ?
Loran Chourrau : D’abord nous rencontrons les services de la ville. Ensuite vient le choix du quartier, la recherche d’associations relais ou d’experts du quotidien puis les repérages et les premières rencontres informelles avec les habitants. Durant près d’un mois nous réalisons des interviews filmées. Cela nous permet de trouver un ancrage dans le quartier afin de créer un lien de confiance avec la  population.
Voilà pour le principe de base. Nous savons comment on part, on ne sait jamais où l’on va arriver. Ça touche à l’intime. Nous faisons cependant attention à ne pas mélanger les rôles. Nous ne sommes pas des animateurs. Pour les habitants, nous sommes des artistes. Nous sommes là pour libérer une parole, pour leur permettre d’aller plus loin. De se surprendre à prendre le temps de réfléchir.

Libe Toulouse : En quoi ces rencontres fortuites nourrissent-elles votre travail artistique ?
Loran Chourrau : Elles me relient avec le réel.
Sophie Cardin : Moi aussi. La plupart du temps je travaille seule dans mon atelier. Travailler sur la valorisation des personnes c’est puissant. On comprend ce qu’on fait. C’est simple et efficace.

Article originel disponible ici


 

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